Monday, July 09, 2007

Poker Kiss

Poker Kiss
C’est un poème que j’aime faire sur scène. D’ailleurs, c’est un des rares poèmes que j’ai écris.

Poker Kiss raconte l’histoire d’un baiser. D’abord à deux. Puis à trois. Les lèvres, la bouche. L’hésitation et le désir…

Sur scène je le déclame la plupart du temps en duo avec un homme qui me fait la riposte dans sa propre langue. Ainsi je l’ai une fois fais en anglais-chinois. Une autre fois en français-chinois.

Me voilà mordue de tango et je n’arrive pas à penser autrement qu’en faisant référence aux mouvements. Alors je me suis dit que pour Poker Kiss à Montréal (voir Monthly Mess) j’allais explorer le mouvement et la parole.

Donc j’ai demandé à un ami tanguero de danser le poème autour de mes mots, autour de moi. Finalement plus obscure que je n’aurais pu le croire, le danseur dû penser à une musique qui lui semblait être celle des mots de Poker Kiss. Il a choisi une pièce syncopée de Webern interprété au piano par Glenn Gould.

A chacun son exploration. C’est cela la libre expression de la recherche artistique.

Par contre je sais que danser les mots est possible. Je l’ai fait sur un tango avec Roger Dauer à Pékin lors d’une soirée d’impro. Nous avons improviser un tango énergétique à saveur bataille puis harmonie sur les mots « carnivore », « Whisky », et « Pékin ».

Le soir du show, le danseur ignoble ne se présente pas. Mais je ne ferai pas Poker Kiss toute seule. J’invite une personne du public à venir faire le cobaye pendant que je déclame le poème. « Je promet de ne pas vous glisser ma langue dans votre bouche. Par contre vous serez un peu caressé. » C’est ce que je leurs ai dit. Puis une jeune femme monte sur les planches et se pose devant moi.

Alors même que je n’ai aucune idée de se qui va arriver, je lui récolte la main avec douceur et la guide face à moi, c'est-à-dire que nous faisons coté au public. Puis je lui met les bras au cou en laissant pendre mes mains mollement derrière elle (à ce moment, contact physique prude voir inexistant).

Poker Kiss débute ainsi: Hello Soft Red Lips On mine, Press Harder…
La demoiselle mime les mots. Elle se tortille et me fait des sourires.

Je continue à parler très lentement. En respirant mes mots. Elle fini par me voir avec des yeux de l’intérieur. Elle me fixe. Son corps devient à la fois lourd mou et complètement figé. Ses yeux me tombent dans la bouche. Des yeux brillant; elle est complètement hypnotisée. J’entreprend d’aspirer l’air qui sort de sa bouche. Nous sommes toujours à une distance prude l’une de l’autre mais j’ai replié mes bras dans son cou. Du dos de mes mains je caresse sa mâchoire puis son cou.

Soudain, en pleine hypnose, un feedback intolérable siffle dans le micro. Je regarde le micro avec haine. Puis, de retour vers cette femme qui n’a pas bougé d’un poil, je réalise la situation de désir en public, de séduction devant tout le monde, et je fige. Puis je me décide de recommencer le poème au début, la suite me viendra. J’étais tombé dans la lune en déclamant comme il m’arrive toujours de le faire. Mes mouvements lorsque je monte sur les planches, ne font plus parti de moi. J’ai les yeux qui regardent le public par le trou de mon nombril.

Le premier mot du poème est « allo ». A ce mot, la femme devant moi s’émerveille et me fait le sourire de ma mort. C'est-à-dire, une complicité, une abdication de sa personne pour mes paroles qui la berce de libido. Je suis responsable de son plaisir. Soudainement, je réalise à quel point elle m’a tout donné. Confiance, amour, paix, joie. Je lui dois de poursuivre le flot. Elle m’attend comme une récompense. Alors je lui re-dit « allo ». Elle hausse la tête me lançant au défi d’une séduction sans compromis. J’ai l’impression que je suis en train de la pénétrer doucement. J’ai l’impression qu’elle roucoule. Nous sommes toujours à quelques cm l’une de l’autre. Je saute à la strophe finale. Elle se blottit dans mes bras. La fin du poème arrive. Je lui dis « serre moi encore plus fort. Donne moi encore de toi » Elle m’enserre et ne dé-serre plus.

Le poème est fini. Personne ne parle. Personne ne tape des mains. Je lui baise le front. Plusieurs fois. Je lui souffle que tout est fini. Que c’est fini. Je lui caresse les cheveux. Maintenant c’est moi qui s’effondre. Le public applaudis. La jeune femme sautille off stage. Je reste seul avec ma bouche bée, et mon émerveillement.

Oui, je me sens tout à fait rafraîchis.

Normalement après une prestation sur les planches, que je joue Figaro, ou que je dise une ligne d’info, j’ai des crampes au ventre après. La, je suis excitée. J’ai le sang dans les veines qui bouille. J’ai envie de recommencer.

J’ai séduit une femme sur scène. Avec mes mots. Avec des mots. Ni elle ni moi ne s’attendions à quoique se soit. Je ne m’attendais pas à vivre au naturel les mots avec ses sensations. Et avec une parfaite étrangère par-dessus le marché! Je m’attendais à les fabriquer ses sensations, en fonction du vocabulaire.

J’ai appris quelque chose. J’ai appris qu’à deux, une improvisation, une exploration se fait avec charme. Très bien. Et très fort. J’ai appris qu’en nourrissant d’énergie la personne qui est devant moi, elle en retour me nourrira d’énergie. Et ensemble, cette énergie deviendra extra, vivante, vrai etc.

J’ai oublié de vous dire. A la fin du poème, j’étais surprise à quel point mon cœur battait fort. Je me suis rappelée les nuits où, étendue à plat sur mon matelas à ressorts en fer, j’avais écouté la résonnance de mon cœur battre. Et je me demandais comme cela se faisait-il que mon cœur pouvait battre si vite alors que le sien ne battait pas du tout. Au fait, c’est mon cœur qui battait dans sa poitrine. La jeune femme me lance un joyeux « It was fun! » après le show!

Depuis cette expérience je n’ai plus envie de danser le tango. J’ai en horreur d’être collée pilée à quelqu’un et de me faire jouer dans les jambes avec violence. J’ai des papillons au ventre j’ai envie de cette magie d’osmose d’énergie. De vie qui entre dans l’autre et de l’autre qui rentre dans soi.

Je re-danserai le tango c’est sure mais pas avant d’être sure de partager cette sensation. Mais ce qui m’excite le plus dans cette histoire c’est d’explorer la nature de mes personnages avec les acteurs et les danseurs qui vont ‘vivre’ mes personnages d’histoires, sur scène (prochain projet d’écriture : show) à la manière « projection d’énergie retour d’énergie égale connaissance de l’autre ». J’ai envie à la façon de Poker Kiss de séduction, de projeter l’essence de ces personnages dans mes acteurs. Et qu’eux ensuite, projette cette énergie créatrice pour donner vie à ces personnages.

Peut être suis-je arrivé à une méthode connue, pour explorer mes personnages sur scène. Peut être suis-je en train de découvrir une méthode de transposition papier-planche.

Ouverte aux discussions.
L’exploration continue…
Gatineau Canada, 8 juillet 2007

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